FRESQUE HISTORIQUE DE L'AGRICULTURE ET ALIMENTATION - 2/5

Episode 2 : le virage industriel de l'alimentation de masse

Avec l’essor de la chimie et l’électrification progressive des foyers, la période 1900-39 amorce un virage dans l’histoire de la fabrication alimentaire.

Le Lactobacillus bulgaricus est identifié pour la fabrication des premiers yaourts en 1904, le premier exhausteur de goût, le glutamate est mis au point en 1908, les premiers emballages en cellophane font leur apparition vers 1920 et la technique de surgélation est mise au point en 1929. (ANIA, 2013)

Les échanges commerciaux internationaux s’intensifient. La fonction commerciale qui était jusqu’alors la préoccupation des marchands devient celle des industriels à la recherche de nouveaux débouchés. Les usines de transformation alimentaire s’organisent afin de mieux contrôler les flux de matières premières au niveau mondial.

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On observe,

’des stratégies de concentration multiformes qui aboutissent à un oligopole à franges dominé par de puissantes firmes internationales  positionnées dans des secteurs travaillant des flux (lait, boissons en particulier) ou offrant des produits de bases microbiologiquement stables (conserve de viandes, de légumes, sucre..)’’ [1]

La culture de l’abondance alimentaire d’après guerre

En 1945, à la sortie de la seconde guerre mondiale, le continent européen, dévasté par 5 ans de conflits, devait se reconstruire et sécuriser sa souveraineté alimentaire. Le nombre d’ouvriers dépassait celui des agriculteurs. Avec les progrès de la mécanisation, des engrais et pesticides, les rendements agricoles augmentent et nécessite moins de main d’œuvre paysanne. La population s’urbanise et les trajets quotidiens domicile-travail s’allongent, laissant moins de temps aux tâches ménagères et à la préparation des repas. Après une période d’austérité, les technologies évoluent très rapidement pour relancer le commerce et les affaires.

Face au fordisme alimentaire qui s’est structuré dans les années 1960, émergent de nouveaux comportements de consommation dans un contexte d’abondance, d’élargissement des marchés d’approvisionnement en matière première agricole, des changements technologiques, des formes de distribution, de la réglementation,..’’ [2]

En 1949, Edouard Leclerc transforme son épicerie en supermarché. Grâce au réfrigérateur domestique, les familles n’ont plus besoin de se ravitailler quotidiennement. La fin du rationnement du sucre en Europe dans les années 1950 permet d’enrichir rapidement l’offre de produits transformés dans les rayons. L’arrivée de la télévision et de la publicité accroit la concurrence. Le consommateur veut de plus en plus être informé de la qualité des produits. Des labels se mettent en place ainsi que le codex alimentarius créé par la FAO (Food and Agriculture Organization) et l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) pour harmoniser les législations en matière de sécurité alimentaire.

Les ‘’technique de l’emballage’’ sont reconnues comme une discipline à part entière et l’emballage est conçu pour être un élément déclencheur de l’acte d’achat. Les marques portent le nom du fabricant du produit ce qui a pour effet de rassurer le consommateur sur la qualité du produit dans le long terme. (STEWART, 2008)

S’enclenche un processus de ‘’déterritorialisation’’ de la production agricole soumises au pouvoir prescripteur des industriels en terme de choix productifs. Les exploitations agricoles qui fournissent une matière première basique deviennent remplaçables. La logique économique industrielle qui prévaut suppose une régularité de l’approvisionnement et un moindre coût de matière, donc la réduction des frais de collecte et de livraison.

‘’de la sorte, se structurent des territoires de firmes construits sous le sceau de la mobilité et de la mise en concurrence de producteurs d’une même région et de régions productrices éloignées, sauf pour les produits périssables dont le coût de transport forme un frein fort.’’[3]

La subvention des matières premières agricoles de masse par la Politique Agricole Commune (PAC) actionne une ‘’stratégie élémentaire : la simple exploitation d’un gisement agricole’’[4] constitutive de la filière laitière par exemple ou des coopératives agricoles, alliant objectifs sociaux et économiques, ont bâti leur croissance sur la valorisation basique de la matière première (ex : beurre et poudre de lait)

Dans un contexte de changement d’échelle et d’internationalisation des échanges, le taylorisme et le fordisme, deux courants marquants l’organisation structurelle du travail et de la production industrielle fait basculer le monde agroalimentaire dans l’industrialisation de masse.

Les 30 glorieuses de l’agro-industrie

Avec l’avènement du transport aérien de masse dans les années 1970, de nouvelles ‘’ceintures agricoles’’ se sont constituées dans les pays tropicaux, important des produits à forte valeur ajoutée comme les fruits exotiques, le thé, café, haricots, du fait de l’annulation de la saisonnalité et du faible coût de la main d’œuvre. La demande des travailleurs, des marins pour des produits nomades, peu coûteux, pratiques à manger sans assiette ni couverts démocratise le snack et le fast food. Les sous-produits de charcuterie sont valorisés industriellement et l’élevage se développe de manière intensive sur le continent européen et américain

La production agricole augmente de 70% entre 1960 et 1980 ce qui positionne la France au 3 ième rang des pays exportateurs. Le secteur agricole se lie désormais à l’industrie par la mécanisation mais aussi par le développement d’une ‘’chaîne alimentaire’’ qui s’est organisée entre les agriculteurs, les industriels de l’alimentaire, les distributeurs et les consommateurs.

La découverte de nombreuses propriétés des plastiques accélère la commercialisation de nouvelles techniques de conservation et conditionnement des produits. Les premières bouteilles en PET naissent en 1979 pour les boissons gazeuses, l’emballage sous vide permet de conserver les préparations culinaires pré-transformées à l’avance pour faciliter le travail des restaurateurs et des femmes au foyer. L’amélioration de la chaîne du froid, l’émergence des appareils électroménagers et la hausse du pouvoir d’achat marquent des changements dans le mode de vie et les habitudes alimentaires : c’est l’émergence des technologies modernes de transformation, conservation, emballage, conditionnement, stockage et transport  des aliments.

Les rapports entre le ‘’mangeur’’ et l’aliment se modifient.  La nouvelle filière alimentaire déconnecte l’aliment de son origine de production et de sa forme originelle. Les produits précuits, prédécoupés, pré-épluchés modifient les usages culinaires. En 1950, une française passait environ 4h par jour en cuisine (préparation, cuisson, lavage) alors que ce temps n’est plus que d’1 heure en 1992.

ANIA, 2013

En même temps, le veau et le poulet aux hormones font l’actualité, comme la salmonellose dans les œufs, les cas de botulisme dans les boites de conserve, reflets des conséquences d’une agriculture productiviste et d’une agronomie prométhéenne. Le mouvement écologiste issu de Mai 68 commence à dénoncer cette ‘’bouffe industrielle’’ et les ‘’steaks de pétrole’’.

Comment l'agro-industrie va rassurer les consommateurs en tentant de répondre à leurs inquiétudes, c'est ce que vous pourrez lire dans l'épisode 3


Source :

1,2,3,4 MARGETIC, C. 2014. Des industries agroalimentaires françaises face à des enjeux majeurs. L'information géographique. Armand Colin, 2014, Vol. 78, 4, p. 27 à 47.

ANIA 2013. la longue histoire de la fabrication des aliments. Alim Evolution. [En ligne] 2013. [Citation : 30 08 2020.] https://www.ania.net/alimevolution/#/.

 

 

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